FRENCH RED CROSS - BROCHURE RRE 2023

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& SOMMAIRE INTRODUCTION 1. Le défi du changement climatique dans la région Amérique-Caraïbes 2. Quelles réponses aux risques infectieux de ces dernières années dans la région Amérique-Caraïbes ? 2.1. ‘One Health’ : Qu'est-ce que c'est et pourquoi est-ce si pertinent pour les défis actuels en matière de santé ? (Dr Chris OURA) 2.2. ‘MalaKIT/Curema’ : Interventions innovantes pour l’élimination du paludisme en forêt (Dre Maylis DOUINE) 3. Lutte contre les épidémies : Des avancées inspirantes dans des contextes similaires 3.1. La lutte contre le paludisme au Suriname (Dr Hedley CAIRO) 3.2. Etat d’avancement du développement du candidat vaccin contre le paludisme : R21/Matrix-M (Dr Magloire NATAMA) CONCLUSION

& 1 INTRODUCTION Le projet REMPART épidémique a été pensé pour répondre aux épidémies successives de maladies infectieuses sur les populations du Plateau des Guyanes. En ce sens, la Croix-Rouge française à travers sa délégation de la PIRAC (Plateforme d’Intervention Régionale Amérique Caraïbes), la Croix-Rouge du Suriname et la CroixRouge du Guyana œuvrent à un renforcement des capacités d’intervention épidémique sur les territoires de la Guyane française, du Suriname et du Guyana, par une approche de coopération régionale combinant : ⇨ la mobilisation de l’expertise technique régionale ⇨ le renforcement des capacités de réponse épidémique des Croix-Rouge du Plateau des Guyanes ⇨ la mise en œuvre d’actions citoyennes et communautaires de prévention épidémique selon une approche scolaire intégrée. Le projet REMPART épidémique s’inscrit dans la continuité, l’approfondissement et l’enrichissement du projet REMPART antivectoriel par une approche basée sur 2 fondements complémentaires : 1. La Consolidation des mécanismes de coopération régionale en matière de lutte contre les épidémies 2. Renforcer la prévention, la préparation et la réponse des populations face aux épidémies. Ce Rassemblement du Réseau d'Experts 2023 (RRE 2023) au format virtuel s’inscrit dans le volet « renforcement de la coopération régionale » des opérations du projet REMPART épidémique. Sa vocation est de mettre en lumière à travers une exposition virtuelle, des interventions d’experts et cette revue digitale, les grands enjeux, pistes de réflexions, et menaces liées aux risques épidémiques dans la région Amérique Caraïbes. Cette troisième et dernière activité du RRE 2023 a pour objectif de replacer les grands enjeux abordés durant cet événement au cœur d’un contexte de changement climatique important, et qui par son impact sur notre environnement doit devenir un élément de réflexion transversal sur tous les risques infectieux et épidémiques à venir. 1. Le défi du changement climatique dans la région Amérique-Caraïbes L’humanité est devenue majoritairement urbaine. Elle a modifié massivement son environnement, accélérant le réchauffement climatique de la planète. En retour, le changement climatique est en train de refaçonner l’environnement dans lequel nous vivons. Mais pas seulement. Il a également un effet sur la santé humaine. CHANGEMENT CLIMATIQUE ET SANTE Le changement climatique, parce qu’il implique dans certaines situations un climat plus chaud, plus humide (ou plus sec), des précipitations plus ou moins importantes, est l’un des vecteurs du risque de pandémies.1 L’environnement est rendu plus propice pour les pathogènes et leur prolifération ainsi que pour les vecteurs de maladies infectieuses1.Des parties du monde considérées jusqu’alors comme tempérées ou froides deviennent de plus en plus accueillantes pour les moustiques qui peuvent transmettre un nombre important de maladies dont la mortalité peut être élevée (dengue, paludisme, fièvre jaune, Zika ou encore chikungunya)1 En dehors de l’introduction et de la prolifération d’un agent pathogène ou d’un vecteur dans un milieu où il n’était pas présent, d’autres facteurs contribuent également aux phénomènes d’émergence épidémique.2

& 2 Figure 1 - Les facteurs susceptibles de générer des phénomènes d’émergence épidémique - Une seule santé Maladies animales émergentes sous surveillance – CIRAD Mars 2021 A l’influence du changement climatique sur la santé vient s’ajouter l’impact des interventions humaines. L’intensification de la mobilité humaine et mercantile, les pratiques agricoles ou de production alimentaire intensives, l’urbanisation et la démographie qui génèrent d’immenses concentrations humaines favorisent la constitution de plus amples réservoirs et la diffusion des agents pathogènes1. En retour, le changement climatique va pousser des populations entières à quitter leur terre en raison de la modification de leur environnement (inondations, désertification, manque d’eau, appauvrissement des sols en raison d’une déforestation massive avec lessivage des sols).3 Ces déplacements peuvent favoriser l’émergence de maladies infectieuses et provoquer d’importantes crises sanitaires. 3 TOUJOURS PLUS DE ZOONOSES D'après l'Organisation mondiale de la santé animale, environ 60% des maladies infectieuses humaines sont zoonotiques (75 % des maladies émergentes sont d’origine animale). On sait que les cycles de transmission des maladies vectorielles évoluent dans le temps et dépendent du milieu géographique, climatique et écologique, des activités humaines et de la génétique. 3

& 3 Figure 2- Cycle Vectoriel - Une seule santé Maladies animales émergentes sous surveillance – CIRAD Mars 2021 Par conséquent, plus les humains seront en promiscuité avec d’autres animaux, plus les occasions d’acquérir des pathogènes seront importantes. Or, l’être humain exerce des pressions sans précédent sur les écosystèmes, influençant l’émergence et la transmission de la quasi-totalité des zoonoses.4 Le paludisme causé par Plasmodium simium en Amérique du Sud est un exemple récent de maladie zoonotique due à la déforestation4. La conversion de terre pour l’agriculture ou son intensification a augmenté les maladies causées par le virus du Nil occidental et le virus Nipah. 4 Les barrages et les infrastructures d’irrigation sont responsables de l’apparition de certaines zoonoses comme en Afrique avec le risque de schistosomiase4. Si l’on considère la composante climatique, il a été récemment démontré que 2/3 des agents pathogènes infectieux réagissaient à ce facteur, notamment aux précipitations et températures.5 Dérèglement du climat, utilisation intensive des sols et migration des animaux fuyant leur écosystème pour trouver un habitat plus vivable vont ainsi créer des opportunités de partage viral entre des espèces sauvages auparavant isolées géographiquement. Au cours des cinquante années à venir, des milliers de virus vont passer d'une espèce animale à l'autre, et potentiellement à l’être humain.6 Ce sont les régions tropicales qui abritent le plus grand nombre de zoonoses et qui connaissent un réchauffement rapide. 6 Qu’en est-t-il de la situation dans la région Amérique-Caraïbes ? CONSEQUENCES DU CHANGEMENT CLIMATIQUE DANS LA REGION AMERIQUE-CARAÏBES En 2017 dans le rapport Caribbean Resilience and Prosperity through ONE HEALTH, la Communauté des Caraïbes (CARICOM) alertait sur la vulnérabilité des états caraïbéens face au changement climatique.7 Le changement climatique est plus qu’une menace environnementale, puisqu’il affecte non seulement la santé et le bien-être des gens, mais aussi les moyens de subsistance, la culture et les économies des pays. 7,8 Figure 3 - Interactions des cycles vectoriels avec le milieu - Une seule santé Maladies animales émergentes sous surveillance – CIRAD Mars 2021

& 4 De 1966 à 2015, 60 % de toutes les catastrophes liées au climat dans les petits États insulaires en développement (PEID) se sont produits dans les Caraïbes. La région représentant environ 90 % de tous les décès, 79 % de toutes les personnes touchées et presque 90 % de tous les coûts pour les dommages encourus au cours de cette période, malgré les faibles empreintes carbones et émissions des îles caribéennes. 8 Avec en moyenne 84 % de la population qui vit à moins de 25 km de la côte et 33 % dans des zones côtières de faible altitude (c’est-à-dire à moins de 10 mètres au-dessus du niveau de la mer), de nombreuses zones urbaines ont été directement touchées par l’élévation du niveau de la mer, des fortes précipitations, des cyclones tropicaux et des tempêtes.9 L’agriculture, la pêche et la biodiversité sont également affectées par l'élévation du niveau de la mer et les sécheresses. 7 L’augmentation des températures est en effet un facteur qui doit également être pris en compte. Avec des températures devenues insupportables, le modèle touristique et les vies des Caribéens, essentiellement dans les îlots de chaleur que sont les zones urbaines, pourraient être bouleversés9. L’insécurité liée à l’eau fait elle aussi partie des défis majeurs auxquels les villes sont confrontées9. À mesure que la population des centres urbains et la demande en eau augmentent, les ressources en eau douce, qui sont déjà limitées sur plusieurs îles de la région, subissent une pression accrue. 9 Le changement climatique agit comme un multiplicateur de risque pour la santé. Il augmente la charge de morbidité imputable aux maladies sensibles au climat, qui est déjà élevée dans les îles de petite taille. 8 Avec le changement climatique, mais aussi avec l'urbanisation et la mondialisation, on peut s'attendre à de nouvelles infections dans la région caraïbéenne, et plus précisément à des infections zoonotiques, à cause de la promiscuité croissante de l’humain avec la faune sauvage. 7 En Guyane, comme dans le reste de l’Amazonie et dans les Caraïbes voisines, les maladies vectorielles occupent une place de premier plan dans le paysage de la santé. La dengue, le paludisme, la leishmaniose, le virus Zika et plus récemment le chikungunya sont des préoccupations majeures de santé publique.10 Aux Antilles et en Guyane, une épidémie de Zika a sévi en 2016 (environ 80 000 personnes ont consulté) pendant l’épidémie qui a atteint l’Amérique latine et la Caraïbe.11 Le paludisme, maladie parasitaire la plus répandue dans le monde, bien que majoritaire en Afrique, sévit également sur le continent sud-américain, où il est endémique dans la zone intertropicale, essentiellement dans le bassin amazonien qui représente plus de 90 % des infections.12 Si le risque est aujourd’hui faible dans les grandes villes, il demeure bien réel dans les zones rurales, et majeur dans toute la zone amazonienne.12 En Guyane, il est endémique au sein de la communauté des chercheurs d'or qui travaillent dans l'illégalité.13 En 2021, l’OMS a lancé l’initiative E-2025 dans le but de soutenir 25 pays et territoires identifiés comme étant en mesure d’éliminer le paludisme d’ici 2025.14 Les données de 2022 montrent que Belize est le seul pays de la région Amérique-Caraïbes ayant rapporté une nouvelle fois aucuns cas de paludisme. Parmi les pays ayant noté une baisse des nombres de cas, on peut citer le Mexique (32 %), la République Dominicaine (65,6 %) et le Suriname

& 5 (85,9 %). Parmi ceux ayant un nombre de cas en hausse, on retrouve le Costa-Rica (52,4 %), l’Équateur (11,1 %), le Guatemala (16,9 %), la Guyane (2,1 %), le Honduras (47,4 %) et le Panama (55,3 %)14. Bien que des progrès aient été observés dans cette lutte, beaucoup restent encore à faire. COMMENT RELEVER LE DEFI CLIMATIQUE DANS LA REGION AMERIQUE-CARAÏBES ? Ce qui se produit avec le changement climatique et la santé bouscule la communauté internationale et interrogent le paysage institutionnel de la santé mondiale.3 Les états de la Région Amérique-Caraïbes illustrent les éventuelles conséquences néfastes du changement climatique à une échelle planétaire. La vulnérabilité des États Caraïbéens en fait des ‘territoires sentinelles’ qui peuvent ainsi devenir de véritables laboratoires d’innovations locales et régionales en matière d’adaptation.15 Parce que les régions tropicales abritent le plus grand nombre de zoonoses et connaissent un réchauffement rapide, il est urgent d’associer les efforts de surveillance et de découverte des virus à des études de biodiversité permettant de suivre les changements d'aire de répartition des espèces.6 Les risques liés au changement climatique appellent à une approche intégrant davantage la santé humaine, la santé animale et les questions environnementales.3 Au début des années 2000, face à l’accélération de ces zoonoses, l’initiative internationale ‘One Health/Une seule santé’ voyait le jour sous l’égide de l’OMS. Face au risque épidémique dans la région AmériqueCaraïbes, la lutte s’est organisée sous forme une collaborative, internationale, multidisciplinaire et trans-sectorielle, dans l’esprit ‘One Health’. Certaines des réponses aux risques infectieux de ces dernières années dans la région Amérique-Caraïbes sont ici présentées. De même que des avancées scientifiques inspirantes. 2. Quelles réponses aux risques infectieux de ces dernières années dans la région Amérique-Caraïbes ? 2.1. ‘One Health’ : Qu'est-ce que c'est et pourquoi est-ce si pertinent pour les défis actuels en matière de santé ? (Dr Chris Oura) L’approche ‘One Health/Une Seule Santé’ s’impose pour répondre aux défis actuels en matière de santé. L’objectif de ‘One Health’ est de trouver des solutions à des problèmes difficiles et complexes affectant santé humaine, santé animale, agriculture et environnement selon une approche collaborative multidisciplinaire. L’approche ‘One Health’ rejoint en cela celles de ‘Ecosystem’, ‘Planetary Health’ ou encore de ‘Global Health’. ‘One Figure 2 - Quelles sont les différentes approches - Une seule santé Maladies animales émergentes sous surveillance – CIRAD Mars 2021

& 6 Health’ n’est pas un nouveau concept. Il existe depuis plusieurs années, mais il lui a fallu du temps pour trouver sa place. UNE APPROCHE DESORMAIS RECONNUE De nombreux organismes internationaux comme la FAO, l’OIE (Organisation mondiale de la santé animale), l’OMS ou les Nations-Unies utilisent maintenant cette approche. En 2021, ces organisations se sont d’ailleurs mises d’accord sur une définition commune (in Tripartite and UNEP support OHHLEP’s definition of ‘One Health’ ; https://www.who.int/news/item/01-12-2021-tripartite-and-unep-support-ohhlep-s-definition-of-one-health). Pour elles, ‘Le principe ‘One Health’ consiste en une approche intégrée et unificatrice qui vise à équilibrer et à optimiser durablement la santé des personnes, des animaux et des écosystèmes. Il reconnaît que la santé des humains, des animaux domestiques et sauvages, des plantes et de l’environnement en général (y compris des écosystèmes) est étroitement liée et interdépendante. L’approche mobilise de multiples secteurs, disciplines et communautés à différents niveaux de la société.’ ‘Travailler ensemble’ est donc primordial dans l’approche ‘One Health’. LE BON MOMENT POUR AGIR La manière dont on veut agir est importante : le maître mot est d’‘être là au bon moment’ (‘The time has to be right’). Mais quels sont les acteurs devant se réunir autour de la table pour résoudre les problèmes ? Il s’agit de personnes qui désirent sortir des silos existants et qui proviennent d’horizons différents : monde de la recherche médicale humaine et animale avec expertise en infectiologie ; gouvernements et ressources financières ; industries pharmaceutiques pour le développement de vaccins, d’antibiotiques et autres médicaments ; domaines économiques et sociaux ; milieu de l’environnement, à cause de l’effet du changement climatique sur notre quotidien ; entomologie médicale. Il y a une urgence à agir MAINTENANT. Le tableau auquel nous sommes actuellement confrontés n’est guère réjouissant : une population mondiale en croissance avec bientôt 10 milliards d’individus dont il va falloir assurer l’alimentation ; l’impact du changement climatique, en particulier dans la région Caraïbe ; la résistance aux antibiotiques et leur perte d’efficacité à cause d’un usage abusif ; l’émergence de zoonoses qui se répandent très rapidement. Quatre points complexes méritent notre attention et devraient être pris en charge par l’approche ‘One Health’ : l’émergence des zoonoses, la résistance aux antibiotiques, la sécurité alimentaire/accès à l’eau et le changement climatique. L’EMERGENCE DES ZOONOSES La plupart des pathogènes humains proviennent des animaux. C’est à cause de nos interventions sur l’environnement que ces pathogènes, souvent contenus dans la ‘vie sauvage’ par les animaux, entre en contact avec nous. Par notre proximité avec les écosystèmes, nous augmentons ainsi les risques de transmission « Il faut que ce soit le bon moment lorsque l’on veut initier un projet et solliciter des gens. Avec ‘One Health’, c’est le bon moment ! » (Dr Oura)

& 7 des pathogènes zoonotiques et l’émergence de pandémies. Des facteurs environnementaux sont également impliqués dans leur propagation. Ces trois éléments que sont l’environnement, l’humain et la faune montrent bien qu’une approche globale de type ‘One Health’ est nécessaire pour répondre de manière efficace à l’émergence des zoonoses. Ce sont des facteurs écologiques, économiques et sociaux liés à l’activité humaine qui sont à l’origine de cette émergence : la déforestation qui abat les barrières avec les écosystèmes, favorisant la transmission des pathogènes zoonotiques à l’homme ; l’intensification des pratiques agricoles permettant la transmission de pathogènes entre espèces animales qui après mutation peuvent infecter l’être humain ; la densification urbaine facilitant la transmission entre êtres humains ; la proximité de l’humain avec les animaux, exacerbée par la pauvreté ou lors d’activités humaines mettant la population en contact avec le sang de bêtes d’abattoirs infectées ; les modes de transports qui permettent une propagation mondiale des pathogènes. Pour illustrer l’intérêt de l’approche ‘One Health’, on peut prendre l’exemple du coût énorme qui a été consacré à la lutte contre l’épidémie du COVID-19. Il faut montrer aux décideurs qu’il y a possibilité de faire des économies en agissant au moment adéquat. Avec l’approche ‘One Health’, les éléments apparaissant en amont d’une infection zoonotique sont pris en compte pour prévenir les conséquences de ce type de pandémies. D’où l’importance de la détection précoce d’agents pathogènes et signes cliniques associés chez les animaux et celle des pathogènes zoonotiques et signes cliniques chez l’homme. Il faut s’assurer que la transmission à l’homme ne se fasse pas. LA RESISTANCE AUX ANTIBIOTIQUES La résistance aux antibiotiques est un autre domaine qui pourrait bénéficier de ‘One Health’. L’approche multidisciplinaire devrait inclure plusieurs intervenants parmi lesquels des professionnels de la santé humaine et animale, médecins, des éleveurs, des spécialistes en environnement (les antibiotiques se propagent dans la nourriture et le sol), des industries pharmaceutiques et des responsables gouvernementaux qui s’assureront de débloquer des fonds pour la mise en place d’un plan efficace. CHANGER SA FAÇON DE PENSER - L’EXEMPLE ‘ONE HEALTH’ DANS LES CARAÏBES Source: Adapté de IOM (2009)

& 8 Le défi est de changer la manière dont les gens conçoivent les problèmes de santé. Il faut travailler en dehors des silos, changer les mentalités. La science est un soutien majeur dans cette perspective. Deux démarches sont possibles, l’une politique et descendante, l’autre participative, qui émanerait de la base et qui se révèle être souvent la plus efficace. L’implication de meneurs adeptes de l’approche ‘One Health’ est cependant incontournable. Les principes collaboratifs et multidisciplinaires de ‘One Health’ ont été implantés avec succès dans les Caraïbes. Le Projet ‘One Health, One Caribbean, One Love’ a permis la création de réseaux de professionnels dans 12 pays de la Caraïbe. Un autre projet dédié au changement climatique et la santé a également vu le jour dans 16 pays de la Caraïbe. Le Dr OURA est Professeur en virologie vétérinaire. Il est rattaché à l’Université des West Indies, Trinidad & Tobago et est le coordonnateur de l'initiative "One health, One Caribbean, One love". « Les gens doivent sortir des silos » (Dr Oura) https://collaboratif.cirad.fr/share/s/84vh-nPvSJWzrjnptvjF6Q

& 9 2.2. ‘MalaKIT/Curema’ : Interventions innovantes pour l’élimination du paludisme en forêt (Dre Maylis DOUINE) Au début des années 2010, il y avait environ 1 000 cas de paludisme par an pour une population de 220 000 personnes. L’intérieur du territoire guyanais est la zone géographique la plus touchée. Dans ces endroits peu habités, il s’agit essentiellement de paludisme forestier qui affecte des travailleurs forestiers, des militaires, des orpailleurs et la population locale amérindienne ou bushinenguée. DES DONNEES DE SURVEILLANCE TROMPEUSES : L’INQUIETANTE REALITE DU PALUDISME FORESTIER Des études menées en 2014 et 2015 ont dressé un tableau inquiétant de la situation : 1 orpailleur sur 4 était en effet porteur des parasites du Plasmodium sur les sites d’orpaillages [46 % à Eaux-Claires (étude du Service de Santé des Armées) et 22 % sur un échantillonnage plus large (étude du CIC Antilles-Guyane)]. Le parasite Plasmodium falciparum, qui est le plus mortel, était le plus fréquemment rencontré. Les études ont également révélé qu’une personne sur deux avaient recours au marché noir pour acheter des médicaments, essentiellement chinois, les privant ainsi d’un diagnostic fiable et d’un traitement certifié par le système de soins. La situation du paludisme forestier est d’autant plus alarmante que les chiffres ne reflètent pas la réalité. Des orpailleurs infectés partent de Guyane pour le Brésil ou le Suriname et sont diagnostiqués dans ces pays. Certains ne sont pas diagnostiqués. D’autres encore sont asymptomatiques (l’immunité partielle acquise leur permet d’être porteurs sains) et peuvent être transmetteurs de paludisme pour les autres. Le paludisme chez les orpailleurs pourrait même entraîner une résurgence de la maladie dans d’autres régions du plateau des Guyanes, au Brésil ou au Suriname. Sans compter l’apparition de parasites résistants aux dérivés de l’artémisinine ! MALAKIT : UNE NOUVELLE APPROCHE POUR LUTTER CONTRE LE PALUDISME FORESTIER « L’opération militaire Harpie menée contre l’orpaillage ne facilite pas l’accès à la santé des personnes à risque » (Dr Douine). Face à un contexte amazonien particulier, où il est difficile d’accéder à la population des orpailleurs, il a fallu inventer une stratégie de soins à base d’auto-diagnostic et auto-traitement. La trousse MalaKIT était née ! Cette trousse est imperméable, facilement transportable, et renferme trois tests de diagnostic rapide ainsi qu’un traitement complet du paludisme. Dès que le diagnostic est positif, il faut en effet pouvoir traiter (la malaria se distingue en cela de la dengue ou du chikungunya pour lesquelles seule la surveillance d'éventuelles complications est requise). Le projet MalaKIT s’est déployé entre avril 2018 et mai 2020, en collaboration avec le Suriname et le Brésil sur les fleuves frontière Maroni et Oyapock. Des équipes de médiateurs ont assuré la distribution « En Guyane, il y a des centaines de sites d’orpaillage sur un territoire difficile d’accès » (Dre Douine) « Pour contrôler le paludisme, il faut donner accès au diagnostic et aux traitements dans les 48 heures » (Dre Douine)

& 10 des pochettes. Ces personnes, qui ont tissé un lien de confiance avec les orpailleurs, sont eux-mêmes issus de la communauté des orpailleurs d’origine brésilienne. Leur rôle est primordial pour la transmission de l’information et la formation de la population. Les outils d’information développés sont des vidéos et des applications téléphoniques fonctionnant avec ou sans connexion. L’ETUDE PILOTE MALAKIT MalaKIT est un projet de recherche interventionnelle. L’évaluation de la stratégie est basée sur une étude transversale avant/après des indicateurs du projet et un recueil prospectif de données. Les effets indésirables potentiels ont fait le sujet d’une surveillance, et une étude qualitative a été mise en place pour recueillir les impressions de la population par rapport à l’initiative proposée. Au cours de ces deux ans, 4 766 trousses ont été distribuées auprès de 3 733 participants (une personne pouvant récupérer une nouvelle trousse une fois qu’elle en avait déjà utilisée une). Un tiers de la population ciblée a été inclus dans le projet MalaKIT. Une bonne utilisation de la trousse a été notée dans 70 % des cas, un excellent résultat si l’on considère que la prise d’un antibiotique sur 5 jours dans une population européenne est de seulement 30 %. Les orpailleurs ont trouvé que MalaKIT était simple d’utilisation. Les résultats de l’étude ont montré que l’utilisation appropriée d’un test et d’un traitement validé par l’OMS avait augmenté de 54,2 %, que ce soit en utilisant MalaKIT ou en se tournant vers le système de santé. La prévalence du paludisme a fortement chuté de 22 à 5 % sur la région du Maroni, de même que la proportion de Plasmodium falciparum. A l’échelle régionale, on note une nette diminution des cas de malaria importés vers le Brésil et le Suriname entre 2018 et 2020. z L’effet positif du Projet MalaKIT sur le paludisme a été confirmé par modélisation. En tenant des variables de saisonnalité, le Projet a participé à la baisse du nombre de cas de 43 %. LES RETOMBEES DU PROJET MALAKIT EN PRATIQUE

& 11 Seul le Suriname a continué la distribution à large échelle des trousses sur son territoire, avec l’appui financier du Fonds Mondial. En dehors du cadre réglementé d’un projet d’étude, le Brésil et la France sont pour l’heure tributaires d’une autorisation d’utilisation des autotests par leurs autorités de santé respectives. LE DEFI DU PLASMODIUM VIVAX - LE PROJET CUREMA La malaria causée par P. vivax est plus difficile à soigner. Le parasite est capable de former des ‘clones’ dormants (les hypnozoïtes) dans le foie. Même si la personne est guérie, parce qu’elle aura évacué le parasite présent dans le sang, elle pourra à cause des hypnozoïtes faire des reviviscences plusieurs semaines, voire plusieurs mois après. L’élimination de ces formes endormies du parasite nécessite l’utilisation de traitements spécifiques, la primaquine ou la tafenoquine. Cependant, avant de pouvoir les administrer, il faut s’assurer au préalable que l’individu ne présente pas de déficit en G6PD, une enzyme importante pour le maintien de l’hémoglobine. En cas de déficit, la personne pourrait en effet connaître de graves complications après administration du traitement. Le Projet CUREMA a débuté le 14 février 2023. Sous la responsabilité du Dre Alice SANA, il a pour objectif de réduire la prévalence de paludisme causé par P. falciparum et P. vivax chez les orpailleurs. Il s’agit d’un projet de recherche interventionnelle multicentrique et international en santé publique qui implique la Guyane, le Brésil et le Suriname. L’efficacité de l’intervention sur la transmission du paludisme, sa mise en œuvre, sa faisabilité et sa sécurité seront évaluées sur la base d’une étude transversale avant/après. A la trousse MalaKIT vient s’ajouter l'administration d'un traitement anti-reviviscences pour le P. vivax, délivré par les médiateurs auprès des personnes potentiellement porteuses d’hypnozoïtes afin de vérifier qu’elles ne soient pas déficitaires en G6PD. CUREMA s’achèvera fin 2024. La Dre Maylis DOUINE est médecin chercheur au Centre d'Investigation Clinique Antilles-Guyane. Elle est directrice de recherche sur le projet "MalaKIT"/ "Curema". « En matière de lutte contre le paludisme, la coopération internationale est nécessaire » (Pr Jérôme Salomon – Directeur Général de la Santé, France)

& 12 3. Lutte contre les épidémies : Des avancées inspirantes dans des contextes similaires 3.1. La lutte contre le paludisme au Suriname (Dr Hedley CAIRO) Le Suriname est situé sur la côte Nord-Est de l’Amérique du Sud. A peu près 90 % de son territoire est recouvert par la forêt tropicale. La population qui s’élève à un peu plus de 590 000 habitants vit essentiellement sur la côte ; 80 000 personnes vivent à l’intérieur des terres parmi lesquelles environ 20 000 constituent une population migrante mobile, essentiellement en provenance du Brésil. Le littoral ne présente plus de cas de malaria depuis les années 1960, mais le paludisme continue d’être un problème à l’intérieur des terres, surtout parmi la population migrante. LE PROGRAMME MALARIA Le Programme Malaria a été mis en place par le Ministère de la Santé du Suriname pour éliminer totalement la transmission du paludisme d’ici 2025. La politique de contrôle et de prévention suit trois stratégies principales : un diagnostic rapide pour un traitement précoce et efficace ; une communication visant à changer les comportements ; une lutte antivectorielle sélective par l’utilisation de moustiquaires imprégnées d’insecticide à longue durée d’action. L’objectif est d’obtenir la certification du Suriname comme pays exempt de paludisme par l’OMS. ELIMINATION DU PALUDISME A l’HORIZON 2025 : UN OBJECTIF PRATIQUEMENT ATTEINT Si l’on considère la courbe du nombre de cas de paludisme recensé depuis les années 2000, dans un premier temps, on constate que ce sont les populations sédentaires du Suriname qui bénéficient des interventions initiées dans le cadre du programme Malaria entre les années 2000 et 2015. En 2001, on dénombrait 12 000 cas de paludisme. Dix ans plus tard, on n’en dénombrait pratiquement plus. La forte baisse observée entre 2002 et 2007 coïncide avec la montée en puissance des interventions de prévention et de contrôle (moustiquaires, tests de diagnostic rapide, thérapie combinée à base d'artémisinine (ACT), programme de sensibilisation de la population, traitement par primaquine). A partir des années 2010, ce sont les orpailleurs qui bénéficient de la politique engagée contre la malaria. La distribution de moustiquaires avec insecticide à longue durée d’action réduit fortement les cas de paludisme dans cette population. Aujourd’hui le paludisme est quasiment éliminé, mais des cas importés continuent d'apparaître, en provenance essentiellement de Guyane. La plupart des cas de malaria au Suriname sont causés par Plasmodium falciparum. Quelques cas sont causés par P. malariae et, surtout, P. vivax qui commence à représenter une part non négligeable des infections à partir

& 13 de 2006. Entre 2015 et 2021, on observe une diminution des cas causés par P. falciparum, avec seulement 13 cas en 2019, deux en 2020 et six en 2021. A partir de 2003, les nombres d’hospitalisations et de décès liés au paludisme diminuent fortement (aucun décès dès 2006 jusqu’à nos jours). A L’HEURE DU BILAN Le Suriname a mené de grosses actions avec l’aide du Fonds Mondial. Le nombre de cas de paludisme a drastiquement chuté. Si l’on dresse le bilan du Programme, on constate que l’application des interventions de prévention et de contrôle aux communautés éloignées et isolées des orpailleurs s’accompagne d’un coût élevé. Par ailleurs, le pays reste confronté à une proportion importante de cas de malaria importés. L’effort engagé doit donc se poursuivre. Il faut maintenir et renforcer les capacités de prévention et de lutte, accroître la participation du secteur privé pour le financement du Programme et consolider la collaboration régionale pour viser l'éradication du paludisme sur le Plateau Guyanais. Le Dr CAIRO est un expert en santé publique. Il fait partie du Programme d'élimination de la Malaria au Suriname. Il est coordonnateur Diagnostic et Traitement. « Il faut continuer l’effort engagé contre le paludisme, pour son élimination ! » (Dr Cairo)

& 14 3.2. Etat d’avancement du développement du candidat vaccin contre le paludisme : R21/Matrix-MTM (Dr Magloire NATAMA) S’il y a bien des résultats positifs dans la lutte contre l’infection, comme au Suriname, nous sommes encore très loin de l’élimination du paludisme. La maladie a affecté 247 millions d’individus dans le monde en 2021, selon les chiffres de l’OMS : 96 % d’entre eux se trouvent en Afrique subsaharienne et 70 % des cas surviennent dans 11 pays africains, dont le Burkina Faso avec près 12 millions de cas. La maladie a entraîné 619 000 décès (96 % en Afrique), dont plus des deux tiers (67 %) chez les enfants de moins de 5 ans. Entre 2000 et 2010, il y a bien eu une réduction de l’incidence du paludisme, mais elle a été suivie par une phase de stagnation. L’OMS dans son plan stratégique 2016-2030 a fait le vœu qu’un vaccin ayant une efficacité de 75 % soit à disposition avant 2030. UNE PREMIERE ETAPE VERS UNE VACCINATION EFFICACE CONTRE LE PALUDISME Le premier vaccin antipaludique à voir le jour est le RTS, S ou ‘Mosquirix’. Il agit contre Plasmodium falciparum. Il cible la phase pré-érythrocytaire de l’infection, principalement l’antigène circumsporozoïte (CSP) du parasite. Entre 2009 et 2013, son efficacité a été testée chez 15 460 enfants dans 7 pays africains. Elle était de 36 % après 4 doses sur 48 mois et s’élevait à 56 % chez les enfants de 5 à 17 mois après un an de suivi. Elle s’est même révélée inférieure pour certains nourrissons de 6 à 12 semaines. Ayant ainsi constaté qu’il y avait possibilité de réduire les cas de paludisme dans les pays endémiques, l’OMS lança en 2019 des études pilotes dans trois pays, le Ghana, le Kenya et le Malawi. En octobre 2021, se basant sur les résultats de ces études, et malgré une efficacité du vaccin loin de celle escomptée, l’OMS recommandait pour la première le vaccin antipaludique RTS, S pour une utilisation généralisée chez les enfants en zone endémique. LE CANDIDAT VACCIN R21 C’est sur cette base que le candidat vaccin R21 a été développé. Il est très similaire au RTS, S. Il cible également la phase pré-érythrocytaire, c’est-à-dire la première étape du cycle de vie du parasite en l'interceptant avant qu'il n'atteigne le foie. La même protéine CSP de P. falciparum est ciblée par les deux vaccins. Cependant, ils se distinguent par une architecture moléculaire différente. Dans le RTS, S, l’antigène de surface de l’hépatite B a été utilisé comme matrice porteuse de la région de répétition centrale de la protéine CSP. Le vaccin R21, quant à lui, contient seulement la portion de protéine CSP. La protéine CSP de P. falciparum est ainsi beaucoup plus représentée sur la surface de la pseudo-particule virale de R21, offrant une présentation optimale au système immunitaire et facilitant probablement les fortes réponses d’anticorps anti-CSP (le RTS, S souffre d’une saturation de la réponse immunitaire induite par un excès des antigènes de surface du virus de l’hépatite B). Le choix de l’adjuvant a également son importance. Le Matrix-M (breveté par Novavax) du R21, qui est à base de « Nous sommes encore très loin de l’élimination du paludisme à l’échelle mondiale » (Dr Natama)

& 15 saponine, déclenche une réponse immunitaire plus importante de la part de l’hôte que l’AS01, l’adjuvant à base de liposome utilisé dans le vaccin RTS, S. R21 : UN VACCIN ANTIPALUDIQUE QUI SUSCITE L’ESPOIR En mai 2019 a été initiée une étude phase II afin d’évaluer l’efficacité protectrice du R21 contre le paludisme chez 450 enfants de 5 à 17 mois vivant dans des régions du Burkina Faso où la maladie est endémique, avec la majorité des cas survenant entre juillet et décembre. L'objectif primaire était l’étude de l’effet protecteur de la primo-vaccination à 6 mois. Les objectifs secondaires comprenaient la durée de la protection à 12, 24, 36 et 48 mois après la primo-vaccination ; l’efficacité contre le paludisme asymptomatique à P. falciparum 12 mois après la primo-vaccination ; la réactogénicité et la sécurité à 12 mois ; l’immunogénicité humorale à 12 mois. La population étudiée a été divisée en trois groupes de 150 enfants chacun : deux ont reçu le vaccin à différentes doses de l'adjuvant Matrix-M (25 ou 50 mg). Le troisième groupe témoin a reçu un vaccin contre la rage. La primo-vaccination, qui correspond à l’administration de trois doses de vaccin à 28 jours d’intervalle, a été achevée le 7 août 2019. Une dose de rappel a été réalisée en juin-juillet 2020, avant la saison des pluies lorsque les cas de paludisme augmentent. 1. UN BON PROFIL DE TOLERABILITE Très peu d’évènements indésirables locaux (douleurs, rougeurs, gonflements), de faible intensité, ont été rapportés après les trois doses. Parmi les évènements indésirables systémiques (fièvre, irritabilité, somnolence, perte d’appétit), la fièvre était la plus présente, essentiellement dans le groupe en contact avec la plus forte dose d’adjuvant Matrix-M, mais avec une intensité faible à modérée. 2. UNE EFFICACITE REMARQUABLE Six mois après la primo-vaccination, l’efficacité du vaccin était de 77 % dans le groupe ayant reçu la forme vaccinale avec 50 mg de Matrix-M (groupe 2). Elle était de 74 % dans le groupe ayant été vacciné avec R21/25 mg Matrix-M (groupe 1). Sur 12 mois, l’efficacité est maintenue dans le groupe 2 alors qu’elle diminue légèrement à 69 % dans le groupe 1. L’efficacité du vaccin passe à 80 %, 12 mois après la dose de rappel, pour le groupe 2 et demeure à environ 70 % dans l’autre groupe. Sur 2 ans après la primo-vaccination, le vaccin protège à 75 % et 66 %, respectivement. Ces résultats concernent l’efficacité observée lors de la survenue d’un premier épisode. En milieu endémique, les individus expérimentent plusieurs épisodes de paludisme. Dans le cas où l’on considère l’ensemble des épisodes, les valeurs d’efficacité restent élevées. Elles sont de 77 % chez les enfants vaccinés avec R21/50 mg Matrix-M et 63 % chez ceux vaccinés avec R21/25 mg Matrix-M sur 2 ans. (groupe 3 = contrôle) EFFICACITE DE R21 6 MOIS APRES LA PRIMO-VACCINATION

& 16 3. UNE FORTE REPONSE IMMUNITAIRE A la suite des trois doses administrées en primovaccination, la quantité d’anticorps antipaludiques (anti-CSP) produite est deux fois plus importantes avec R21/50 mg MatrixM (groupe 2) qu’avec R21/25 mg Matrix-M (groupe 1). Le pic de production est suivi d’une décroissance jusqu’à 12 mois. Après la dose de rappel, le taux revient à un niveau similaire à celui obtenu après les premières doses reçues un an plus tôt. La décroissance de la production est alors beaucoup plus lente que ce qui a été observée après la primo-vaccination. Il existe une association entre la protection antipaludique et la production d’anticorps antipaludiques. Ce qui signifie que l’on a une forte réponse immunitaire au vaccin R21 avec des taux anti-CSP pouvant jouer le rôle de marqueurs de protection. A l’issue de ces résultats, la question s’est alors posée de savoir s’il y avait nécessité de vacciner les enfants chaque année avant la saison de transmission de la maladie. Une extension de l’étude a été réalisée et a démontré le maintien d’une efficacité durable sur 36 mois avec quatre doses de R21/Matrix-M. Une cinquième dose ne semble donc pas être nécessaire. BILAN ET PERSPECTIVES : UN DEPLOIEMENT MASSIF A PORTEE DE MAIN Les résultats de l’étude II ont montré que le vaccin R21/50 mg Matrix-M, mis au point au Jenner Institute de l'Université d'Oxford, est la forme qui protège le mieux contre le paludisme. Il s'est avéré efficace à 77 %. C'est la première fois qu'un vaccin dépasse l'objectif d'efficacité fixé par l'OMS à 75%. Ce fort taux d'efficacité est par ailleurs maintenu pendant deux ans après la dose de rappel. L’étude va s’achever en juin 2023. Des données d’efficacité à 48 mois seront alors disponibles. Des analyses supplémentaires pourraient être réalisées pour évaluer l'effet rebond potentiel du vaccin. Les résultats préliminaires de l’étude de phase II ont permis d’initier une étude de phase III en 2020. Elle inclut 4 800 enfants de 5 à 36 mois et est menée au Burkina Faso, au Mali, en Tanzanie et au Kenya. Le vaccin R21/50 mg Matrix-M, administré en trois doses suivies d’une injection de rappel, est évalué dans des zones où la transmission du paludisme et sa saisonnalité diffèrent (transmission saisonnière ou annuelle). Deux types de vaccination seront comparés : une vaccination saisonnière (au Burkina Faso et au Mali) et une vaccination tout au long de l’année au cours du recrutement. L’autre élément nouveau concerne la galénique du vaccin. Jusqu’à présent, il se présentait sous la forme de deux flacons (un pour l’antigène, l’autre pour l’adjuvant) ; désormais une formulation en flacon unique conservée à 4°C sera testée au cours de l’étude de phase III. (groupe 3 = contrôle) CINETIQUE DE PRODUCTION DES ANTICORPS ANTI-CSP « Après RTS, S/AS01, le candidat vaccin R21/Matrix-M pourrait être le vaccin antipaludique de 2ème génération attendu par l’OMS avec une efficacité de 75 % » (Dr Natama)

& 17 Le Serum Institute of India est chargé de son développement commercial à grande échelle (18 millions de doses sont prévues sur trois ans) et à faible coût. Le coût du RT, S est de 9.30 dollars, celui du R21 reviendrait à 3 dollars, ce qui permettrait d’assurer son accès dans les pays où le besoin est le plus pressant (des sites de production sur le sol africain ne sont pas encore envisagés). Avec une efficacité antipaludique de 75 %, il reste encore 25 % de cas non protégés. Dans ces cas, le parasite n’est plus contrôlé par le vaccin : il quitte le foie et s’échappe dans le sang. Un vaccin de 3ème génération est en cours d’élaboration, qui agirait au stade sanguin (érythrocytaire) et éviterait l’apparition des symptômes. Il combinerait l’antigène Rh5 (une protéine reliée à un récepteur de globules rouges) et l’antigène CSP pour une efficacité vaccinale optimale. Une autre question demeure concernant l’incapacité de certains enfants vaccinés à ne pas produire des anticorps à des seuils protecteurs. Le Dr NATAMA est un scientifique biomédical de l’Unité de recherche clinique de Nanoro au Burkina Faso. Il est Assistant de recherche sur la finalisation du vaccin R21 contre le paludisme dont il coordonne les phases cliniques II et III. Il s’intéresse aussi à l’immunologie de la malaria, son effet chez la femme enceinte et l’enfant, l’épidémiologie moléculaire du paludisme et les ‘gamétocytes’, qui sont des formes sexuées du parasite présentes dans le sang.

& 18 CONCLUSION Nous avons souhaité mettre à votre disposition cette revue digitale pour renforcer notre réflexion commune sur les corrélations entre changement climatique et risques épidémiques aujourd’hui et dans les années à venir dans la région Amérique Caraïbes, ainsi que les réponses pointues développées par les experts. Elle marque la fin du Rassemblement du Réseau d’Expert 2023 sur la Région Amérique Caraïbes, porté par les Croix-Rouge française, du Surinamienne et du Guyana. Nous espérons que les différentes activités de l’événement auront pu susciter votre intérêt, que ce soit de par leur contenu ou de par leur format, et renforcer les volontés de coopération et de consolidation des réseaux d’expertises existants dans la région. Au plaisir de vous retrouver très prochainement.

& 19 RÉFÉRENCES 1. Mathis M, Briand S. Le changement climatique, les épidémies et l’importance de la médecine des voyages. Rev Med Suisse 2019 ; 15 : 898-900 2. Une seule santé : Maladies animales émergentes sous surveillance. Cirad, Mars 2021 3. Maladies infectieuses tropicales. ePILLY TROP, 3ème édition web, Juin 2022 4. McMahon BJ, et al. Ecosystem change and zoonoses in the Anthropocene. Zoonoses Public Health 2018;65(7):755-765 5. McIntyre KM, et al. Systematic assessment of the climate sensitivity of important human and domestic animals’ pathogens in Europe. Sci Rep 2017;7(1):7134 6. Carlson CJ, et al. Climate change increases cross-species viral transmission risk. Nature 2022;607(7919):555-562 7. Caribbean Resilience and Prosperity Through One Health by Chris Oura, Adana Mahase-Gibson, Craig Stephen, 2017 8. Plan d’action des Caraïbes pour la santé et le changement climatique. Organisation panaméricaine de la Santé, 2019 9. Agence Française de Développement : https://www.afd.fr/fr/actualites/caraibes-former-futursdecideurs-resilience-changement-climatique (consulté en Avril 2023) 10. Institut Pasteur de la Guyane : https://www.pasteur-cayenne.fr/la-recherche/nosequipes/uem/vectopole/ (consulté en Avril 2023) 11. Santé Publique France : https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-atransmission-vectorielle/zika/articles/donnees-en-outremer (consulté en Avril 2023) 12. Plan de lutte contre le paludisme en Guyane. Contrôle du paludisme sur l’ensemble du territoire 20152018. Agence Régionale de Santé Guyane, 2018 13. Parent AA, et al. Combatting malaria disease among gold miners: a qualitative research within the Malakit project. Health Promot Int 2022;37(4):daac058 14. Organisation Mondiale de la Santé : https://www.who.int/fr/teams/global-malariaprogramme/reports/world-malaria-report-2022/questions-and-answers (consulté en Avril 2023) 15. Agence Française de développement : https://www.afd.fr/fr/ressources/caraibes-renforcer-laresilience-travers-la-nature-et-le-genre (consulté en Avril 2023) Autres : - Alfresco » Oura et al. - 2017 - Caribbean Resilience and Prosperity Through One Health.pdf (cirad.fr) - livre-epillytrop2022-utilisé pour brochure.pdf - Google Drive - Une seule santé Maladies animales émergentes sous surveillance – CIRAD Mars 2021

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